La chancelière allemande, Angela Merkel veut inciter les grands dirigeants du monde à plus investir en Afrique.
G20. Investir pour un avenir commun
Une dizaine de chefs d’Etat Africains ont pris part à la conférence préparatoire du G20 qui a eu lieu à Berlin les 12 et 13 juin 2017 en prélude à la conférence du 7 juillet 2017 qui réunira les chefs d’Etat du G20 à Hambourg. Le président Macky Sall en faisait partie et entre autre : Alpha Condé (Guinée), Mahamadou Issoufou (Niger), Paul Kagame (Rwanda), Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire) et Ibrahima Boubacar Keïta (Mali)
L’Allemagne a déclaré l’Afrique comme le thème principal de sa présidence du G20. A l’entame de son discours, la Chancelière a déclaré «Il est important non pas de parler de l’Afrique mais avec l’Afrique». Elle a ainsi jeté les bases d’un nouveau partenariat.
Plan Merkel au lieu de Plan Marshall
Le Lundi 12 juin 2017, l’Allemagne a donné le coup d’envoi d’une conférence intitulée « Partenariat avec l’Afrique ».
Auparavant, le 17 mai, le Ministère de la Coopération allemande avait célébré une « Journée de l’Afrique» qui avait pour thème «Les transferts de fonds de la Diaspora».
De nombreux experts Africains vivant en Allemagne y ont pris part et ils ont unanimement rejeté l’expression «Plan Marshall pour l’Afrique», en référence au Plan Marshall des EtatsUnis consacré à la reconstruction de l’Allemagne après la seconde guerre mondiale.
L’expression «Plan Merkel» a été lancée par le président Ivoirien Alassane Ouattara. Elle a été reprise en boucle par ses pairs Africains.
L’Afrique n’est pas à reconstruire. Elle doit plutôt se développer en faisant appel à toutes les forces vives du continent et en mettant en place les conditions qui favorisent un développement harmonieux et la création d’emplois pour les jeunes.
Comme l’a souligné la Chancelière, le nouveau partenariat avec l’Afrique n’est pas de décider «pour» l’Afrique mais de discuter «avec» l’Afrique. Jusque-là, les programmes de développement initiés dans les bureaux feutrés allemands n’ont pas donné les résultats escomptés.
La Chancelière a fait l’auto-critique des pays développés en rappelant que jusqu’ici les « pays industrialisés n’ont pas toujours pris le bon chemin» en ce qui concerne la politique de développement avec l’Afrique.
Madame Merkel a lancé un appel à investir en Afrique pour notamment limiter l’émigration vers l’Europe. Seul le développement de l’Afrique pourrait faire cesser le flux migratoire vers l’Europe et arrêter cette saignée de jeunes Africains qui laissent leur vie dans le « Ventre de l’Atlantique» et de la Méditerranée.
Ce sont : La Côte d’Ivoire, le Ghana et la Tunisie. La nouvelle politique se résume en ces mots: inciter les pays « champions de réformes » à redoubler d’efforts. Le ministre de la Coopération a déclaré:
«Ceux qui peuvent démontrer qu’ils œuvrent en faveur de leur pays et de leurs populations recevront un volume d’aide financière plus important ».
Un tel discours de la carotte et du bâton est contraire à la politique de l’opposition et ne s’accorde pas avec son idéologie. Les Verts et la Gauche ont fustigé cette nouvelle forme de partenariat avec les pays africains ».
Critique de l’opposition des Verts et la Gauche
L’opposition a violemment critiqué la politique du gouvernement. Pour le parti « Die Linke“ (La Gauche) «Une telle politique est dangereuse pour l’avenir du continent africain et ne sert qu’à assurer les intérêts économiques des pays riches et leurs filiales sur les marchés africains».
Claudia Roth, (Bündnis 90/die Grünen. Les Verts) Vice-Présidente au Parlement allemand a reproché au Ministre de la Coopération «de passer sciemment sous silence la coresponsabilité du gouvernement allemand en ce qui concerne la pauvreté et les inégalités sociales en Afrique.
« S’il y a trop de désespoir en Afrique, alors évidemment des jeunes vont se dire qu’ils vont aller chercher une nouvelle vie ailleurs » a déclaré Angela Merkel, appelant à la fois à « un partenariat économique avec l’Afrique » et à œuvrer à la paix et à la sécurité sur le continent.
Dans son allocution, la Chancelière a mis l’accent sur les points suivants: création d’emplois dans les pays africains, réduction du nombre de réfugiés vers l’Europe, plus d’investissements européens en Afrique, offre d’une enveloppe de 300 millions d’euros (soit environ 448 millions de dollars, 20 Milliards de francs CFA) d’aide supplémentaire aux 3 pays qui sont
considérés comme «champions des réformes ».
L’ancienne ministre de la coopération SPD (Parti Socialiste) exige que l’Union européenne ouvre de meilleurs débouchés aux produis africains sur le marché intérieur européen. Les organisations non gouvernementales ont également élevé leurs voix .
Elles ont déploré que le développement ne soit vu que sous l’angle d’investissements financiers. Elles constatent qu’en se focalisant uniquement sur les investisseurs, seuls leurs intérêts sont pris en considération au détriment de celui des populations locales.
Elles craignent également la main- mise des terres par les grands groupes pour développer le secteur agro-industriel, au détriment des populations africaines les plus pauvres.
Or, si l’on veut bannir le fléau de la famine, il faut aussi mettre en place des mesures idoines dans le domaine de l’agriculture et établir des critères qui répondent aux normes internationales tout en ne négligeant pas la question humanitaire.
L’Afrique autour d’un projet commun
Une dizaine de chefs d’Etat africains (Côte d’Ivoire, Egypte, Ghana, Guinée, Mali, Niger, Rwanda, Sénégal, Tunisie) ont fait le déplacement à Berlin pour participer, à une conférence consacrée au « partenariat avec l’Afrique ».
En réponse à la Chancelière, le Président Guinéen, également Président en exercice de l’Union Africaine, Monsieur Alpha Condé, s’est déclaré favorable à un renforcement du secteur privé. Le continent présente de nombreux avantages, le manque d’infrastructures est certes un défi, mais en même temps une «chance pour les investissements […] On ne manque pas de projets, ni d’initiatives, mais de résultats».
Dans son allocution, le Président Macky Sall a présenté sa politique de développement sous le titre de Sénégal émergent. Le Président du Sénégal a admis que le secteur privé est l’une des clés du développement et a énuméré les domaines dans lesquels l’aide est utile pour la construction «d’autoroutes, de routes et de ponts.» Il a félicité l’Allemagne pour les éoliennes qui pourraient être un modèle pour l’Afrique.
Il est d’avis qu’il faut aussi prouver que l’on peut investir de façon sûre en Afrique. Son homologue du Mali, le Président Ibrahim Boubacar Keita a rappelé qu’il existe des problèmes en Afrique que l’on ne peut pas s’imaginer en Europe.
Par exemple: l’accès à l’eau potable, à l’énergie, à la mobilité et tout le travail sous une chaleur torride et un soleil brûlant. Le Président du Rwanda, Paul Kagamé a reconnu que «l’ancienne politique d’aide au développement est utile, mais qu’elle n’a jamais suffi pour un développement durable».
Conclusion
Même si l’on peut féliciter les nouvelles tendances de la politique allemande il est à se demander si les principes sous-tendant cette politique n’évoquent pas encore les relents de paternalisme qui caractérisaient les relations et qui donnaient l’impression que l’on voulait décider pour l’Afrique ou lui dicter sa ligne de conduite.
En effet, la Chancelière a déclaré vouloir encourager l’investissement privé, afin de créer des emplois et des sources de revenus pour les populations en majorité formées de jeunes; établir un partenariat sur la base de relations fondées sur le principe d’égalité en traitant les partenaires Africains d’égal à égal , en déclarant des pays «champions de réformes» que l’on récompense avec une aide financière substantielle.
Au cours de l’année écoulée, la coopération allemande a été critiquée, entre autres, par les Africains qui vivent en Allemagne, à cause de commentaires discriminatoires sur l’Afrique faits par le Ministre fédéral de la Coopération, Mr. Müller, et par le Secrétaire général de la CSU, M. Scheuer qui avait déclaré en substance «Il est difficile d’expulser un footballeur Sénégalais qui vit en Allemagne, depuis plus de trois ans, de surcroît s’il est un enfant de chœur, officiant à l’église. Le droit d’asile n’est pas conçu pour lui, car c’est un réfugié économique ».
Quant au ministre de la Coopération, il avait déclaré le 16 novembre 2016 que: «Si une femme Africaine gagne 100 dollars, combien rapporte-t-elle à la maison? 90 dollars. Si un homme Africain gagne la même somme, il ne rapportera que dix dollars à la maison. Il dépensera son argent en alcool, drogues et femmes.
Même si le ministre s’est excusé par la suite pour ses propos racistes, ses paroles et celles du Secrétaire général de la CSU avaient soulevé un véritable tollé et une vague d’indignation au sein des communautés africaines d’Allemagne, mais aussi de toutes les personnes éprises de bonne volonté et des nombreux bénévoles au service des réfugiés.
La dignité humaine est invulnérable comme le stipule l’article 1 de la Constitution allemande. Ceci est valable pour les partenaires Africains.
Dr. Pierrette Herzberger-Fofana. Conseillère municipale « Les Verts » Allemagne.
<drpherzbergerfofana@gmail.com>